Conférence organisée par l'AFA (*) et par l'OIIP (*) le 4 juin 2007 à l'Université de Vienne sur le thème:
Notre compte-rendu:
Nous sommes allés à cette réunion en tant que Français de la Société Française d'Energie Nucléaire, devoir de réserve oblige.
Son Excellence, Monsieur l'Ambassadeur Klaus-Peter Gottwald
La conférence est organisée par les étudiants de l'AFA - Le Forum Académique de la Politique Etrangère. L'AFA publie "global view", une revue tirée à plus de 4000 exemplaires.
Cette conférence clôture une serie de trois, débutée par celle de S.E. l'Ambassadeur Soltanieh d'Iran, à laquelle nous avons participé, suivie de celle de son homologue Schulte des Etats-Unis, a laquelle nous n'avons, hélas, pu nous joindre.
L'assistance est d'environ cent personnes (contre deux cents pour S.E. Soltanieh)
S.E. l'Ambassadeur Gottwald d'Allemagne -- l'Allemagne assure jusque fin juin 2007 la présidence de l'Union européenne -- est l'invité d'honneur.
M. Gaertner de l'Institut Autrichien de Politique Internationale assure la modération.
M. Greber, journaliste de "Die Presse", spécialiste de la technologie militaire, complète parfaitement le podium.
Notre commentaire général:
Si la conférence de S.E. Soltanieh était très partiale -- je présume d'après les remarques prélimiaires de M. Gaertner, que la position des Etats-unis a été perçue de la même façon -- celle de S.E. Gottwald était empreinte d'une grande diplomatie et d'un recul qui en faisait une communication très intéressante.
S.E. l'Ambassadeur Gottwald rappelle les changements drastique et rapides de la politique internationale au cours des quinze dernières années, i.e. depuis la chute du mur de Berlin.
Il rappelle aussi les modifications des flux, échanges et besoins énergétiques en appuyant la régression puis l'ascension du rôle de la Russie et l'émergence de la Chine et de l'Inde.
Il souligne le retour de vieux conflits après l'éffondrement du mur, notamment les conflits dans les Balkans, mais aussi la position clé de Vienne pour les Organisations Internationales, héritée de la période immédiate d'après guerre.
Il retrace la problématique nucléaire et l'histoire associée du Traité de Non Proliferation (TNP) et l'existence de la notion de l'atome pour la paix.
Il présente alors l'abandon des programmes par l'Argentine, le Brésil, l'Afrique du sud, et la Lybie, la renonciation aux armes sises sur leur territoire et héritée de la période soviétique, par la Biélorussie, l'Ukraine et le Kazakhstan. Il montre alors les différences majeures qui existent entre ces pays et l'Irak, d'une part, le Pakistan et l'Inde d'autre part.
Il rappelle alors le prestige que constitue pour un état, particulièrement un état peu démocratique, la possession de l'arme nucléaire.
Trente-cinq pays sont actuellement capables de produire -- de part leur technologie avancée -- des armes nucleaires. Les cinq membres permanent du conseil de sécurité doivent une grande part de leur prestige à l'arme nucléaire.
Il explique alors que les technologie actuelles de centrifugation, peuvent être employées sans discrimination pour un usage civil, à faible enrichissement, ou un usage militaire.
Il souligne que le Traité de Non Proloferation a été un succès au cours des dernières décennies.
En parlant de l'Iran, l'Ambassadeur Gottwald, utilise la notion d'abus de confiance.
Il rappelle que l'Iran s'est installé dans un mode de fonctionnement largement critiqué à l'international (notamment par des déclarations musclées, en particulier à l'égard d'Israël, mais aussi par un soutien à des reseaux terroristes) tout en présentant quelques aspects plus démocratiques que ses voisins de la région, notamment via des systèmes réglementaires et officiels de contre pouvoir et une certaine liberté de la presse.
Cependant l'Iran qui présente un manque total de transparence politique, a caché un programme nucléaire durant de nombresues années, induisant une perte de confiance naturelle.
La position du groupe des trois européens, la Grande-Bretagne, la France et l'Allemagne, est de ne pas choisir un mode de pression (jugé trop direct), mais au contraire d'élaborer une politique de choix, de donner une chance pour une coopération internationale. Ceci ne peut être valide qu'avec une contrepartie, qui est de ne pas continuer le dévelopement de technologies problématiques. Le travail diplomatique se fait en commun avec le Haut représentant de l'Union européenne pour la politique extérieure, Javier Solana, mais aussi dans le cadre de la coopération trois plus trois (Chine, Etats-Unis, Russie).
Il souligne l'inefficacité des recours au conseil de sécurité des Nations-Unies qui ne provoque aucune réaction cote iranien, sinon un plus grand blocage de la situation. "Tant que discussion il y a, une solution diplomatique reste accessible".
Si l'Iran venait à se doter de l'arme ou à se positionner au seuil, alors le reste de la région pourrait être tenté par cette perspective également.
La parole est donnée a la tribune.
M. Greber intervient. Il distribue des cartes du monde montrant les pays qui ont soit un arsenal nucléaire, soit, qui, par le passé ont tenté d'en avoir un (cartes obtenues sur le site: http://www.globalsecurity.org). Après avoir lui aussi repositionné le débat dans son contexte, il s'enquiert de la particularité des réactions vis-à-vis des différents pays.
S.E. Gottwald répond qu'en premier lieu l'Iran avait un programme caché d'enrichissement de l'uranium, ensuite que l'AIEA ne peut pas faire face à toutes les situations seule et qu'il espère que l'action des trois plus trois sera efficace. Si l'Inde et le Pakistan sont des cas particuliers, la situation de l'Iran est tout à fait complexe et nouvelle.
M. Gaertner montre les ambivalences des dévelopements nucléaires dont certaines technologies permettent l'accès à l'énergie à vocation pacifique parfaitement acceptable dans le cadre du TNP et le développement d'armes, inacceptable dans ce même cadre. Il rappelle les positions diamétralement opposées des Etats-unis et de l'Iran en ré-utilisant le terme "Hypocrisie organisée". Il rappelle les nombreux efforts déployés par les Etats-unis pour mettre en place des structures de contrôle (PSI,...), des groupes structurés et synchronisés (NSG,...) et précise la volonté pour les Etats-unis de ne pas procéder de manière identique dans le cas de l'Inde. [en comparaison de l'Iran]
[PSI: Proliferation Security Initiative ; NSG = Nuclear Supplier Group]
S.E. Gottwald présente l'historique des sanctions malgré les efforts de l'Union Européenne (en particulier l'obtention par l'Union Européenne de l'arrêt temporaire de l'enrichissement iranien). Il ne présent pas de compromis à courte échéance, rappelle la déclaration de Mohammed El Baradei sur le "point de non retour iranien", l'Iran possédant dès à présent la connaissance technologique. Il indique que la France, Les Etats-Unis et la Grande Bretagne ont protesté contre ces avancées technologiques, l'Allemagne s'étant abstenue de le faire.
M. Greber indique qu'une opération armée est peu probable à l'égard de l'Iran, en particulier dans le contexte actuel au moyen orient d'une part et par la position du mouvement des non alignes, et ceci malgré l'attitude apparente peu coopérative de l'Iran.
S.E. Gottwald répond que contrairement à la stratégie de coaliation pour référer la situation au conseil de sécurité, l'Europe préfère une approche multilatérale, mieux adaptée et plus efficace selon lui.
Il précise que les points liés au Traité de réduction des matières fissibles (FMCT) rendent les négociations assez difficiles.
En ce qui concerne les modes opératoires, il rappelle qu'il existe des outils internationaux, en particulier le système des garanties de l'AIEA qui est très efficace et qui permet une approche évolutive gràce à ses extensions (Additional protocol,...).
Il explique que le cas de l'Inde et des Etats-unis est plus compliqué et très différent, ne serait-ce que par la taille relative de l'Inde, aussi bien en terme de population que par son économie: seul un compromis est acceptable.
Il rapelle que si l'Iran a refusé les propositions des trois (qui eussent été suivie par les trois autres), à savoir l'arrêt de l'enrichissement, il existe toutefois encore des possibilités pour aller de l'avant, en trouvant de nouvelles idées, dans le but de faire fléchir l'Iran et d'éviter l'enrichissement de l'uranium.
La parole est donne au public par groupe de questions. [Toutes sont regroupées ci-après pour plus de clarté]
Q1: Y-a t'il quelque chose de positif avec l'Iran? Comment l'Union européenne peut se positionner entre les Etats-unis et l'Iran?
Q2: Il n'existe pas de bonnes ou de mauvaises armes. Quel serait le futur si l'Iran se dotait de l'arme nucléaire?
Q3: (Etudiant Japonais) Le mouvement des non alignés demande le respect de l'article six du TNP (désarmement nucléaire). Ce désarmement est-il possible?
Q4: (Autre etudiant Japonais) M. Steinmayer a proposé la réalisation d'un stockage de combustible en terrain neutre géré par l'Agence Internationale de l'Energie Atomique (AIEA) [Note personnelle: ce projet existait dès la création de l'AIEA en 1957 dans le cadre de l'Atome pour la paix]. Cette proposition reflète t'elle une position personnelle ou la position allemande?
Q5: (Observateur Prepcom) En ce qui concerne l'Iran, comment imagine t'on une intervention militaire/politique?
Q6: (Même personne) Le TNP préconise de ne pas utiliser des armes nucléaires contre des pays non dotés. Que penser des déclarations de certains chefs d'Etat, notamment de M. Jacques Chirac?
Q7: (Même personne) Quelles sont les conséquences potentielle d'un retrait du Traité de Non Prolifération?
Q8: En ce qui concerne la banque de combustible, ceci n'est-il pas non plus un idéal?
Q9: Que penser de la divergence de point de vue entre la Russie et les Etats-unis au sujet des accords START de désarmement, la Russie souhaitant leur prolongation au delà de 2009 et les Etats-unis souhaitant un système beaucoup moins contraignant?
Questions 1 à 7:
M. Greber ajoute que l'Iran souhaite se positionner au seuil. Il rappelle que toute les armes qui ont été créée par le passé ont continué d'exister ensuite. (que ce soit physiquement ou intellectuellement par conservation de la connaissance nécessaire à leur fabrication)
S.E. Gottwald répond qu'en ce qui concerne la sortie du TNP, l'AIEA garderait une forme de contrôle par le biais de propositions actives [Résolutions entre autres] tel qu'il est expliqué dans les documents INFCIRC. En ce qui concerne le désarmenent, il souligne que la recherche d'un idéal est une motivation. Pour ce qui est de la deuxième question, il indique que d'autres pays se sont lancé préalablement dans l'aventure nucléaire militaire et que certaines solutions locales ont été trouvées (ABACC,...). La notion de proche orient sans arme nucléaire n'est pas seulement un idéal mais peut-être gouvernée par des intérêts politiques. Il précise que même si les discussions au sein des instances iraniennes ne sont pas claire pour un observateur étranger, elles existent cependant.
M. Gaertner explique que si la réduction du nombre de têtes nucléaires est indéniables, l'amélioration de leurs caractéristques au sens militaire l'est aussi dans le même temps. Il revient sur la déclaration du président Jacques Chirac [qui si elle n'était pas nouvelle n'en est pas moins intervenue à un moment assez inopportun] disant qu'à la fin il restait la possibilité d'un recours à une frappe nucléaire. En ce qui concerne la banque de combustible nucléaires sous contrôle de l'AIEA, M. Gaertner indique que de nombreuses difficultés, techniques mais surtout économiques sont à résoudre préalablement.
Questions 8 et 9:
S.E. Gottwald répond que la banque du combustible est en effet une affaire très complexe car elle ne doit pas être entravée par des décisions jugées partiales, ne doit pas présenter une forme de conccurence à une offre existant par ailleurs, et doit pouvoir être gérée de manière internationale sur a minima le moyen terme. En ce qui concerne les accords START, il rappelle que ceux-ci ne concernent pas l'Union européenne mais que cette dernière soutiendra toute action visant à étendre la durabiilité de tels accords. De même, l'Union européenne souhaite un soutien plus grand par le biais de la ratification par les grands pays ne l'ayant pas encore fait du Traité d'Interdiction Complète des Essais Nucléaires (TICE).
(*) THe UNITED NATIONS YOUTH AND STUDENT ASSOCIATION OF AUSTRIA (AFA)
(*) THE AUSTRIAN INSTITUTE FOR INTERNATIONAL AFFAIRS (OIIP)